La figure de la star américaine
Et si l'attitude d'un historien du cinéma à l'égard des vedettes était un test infaillible pour connaitre son inconscient pose comme hypothèse le critique de cinéma Henri Agel?
En effet force est de constater que la critique française s'est longtemps divisée en deux, selon qu'elle juge sévèrement les vedettes du système hollywoodien, ou selon
qu'elle s'abandonne aux "transports lyriques" provoqués par cette "mythologie moderne". D'un côté Georges Sadoul, de l'autre André Bazin!
C'est Jean Mitry le premier qui pose un regard historique sur l'émergence de la figure de la star en évoquant les activités des producteurs Adolph Zukor ,- l'un des co-fondateurs de la Paramount
Pictures-, et William Fox -fondateur de la Fox film Corporation-, à partir de 1913. En effet, c'est grâce au premier que Mary Pickford s'impose comme la "première grande vedette du cinéma américain",
et au second que l'actrice de théâtre Thodosia Goodman -qui devint ensuite Theda Bara- gagne ses galons de vamp dans A FOOL THERE ARE de Frank Powell. Dans cette histoire de femme fatale inspirée
d'un poème de Kipling « The vampires », son personnage particulièrement cynique et cruel crée tous les codes du genre. Zukor déclare haut et fort dans son ouvrage LE PUBLIC N'A JAMAIS TORT que "le
public s'intéresse avant tout aux gens qu'il voit sur scène, en particulier aux vedettes" ouvrant la porte à l'univers du star system qui perdure encore jusqu'à nos jours!
Femmes ou hommes, ces héros dont le rayonnement se développe au moment même où les états-Unis traversent une crise économique sans précédent, incarnent des archétypes qui remontent aux
sources de la civilisation occidentale permettant au public américain d'exprimer ses pulsions. André Malraux dans ESQUISSE D'UNE PSYCHOLOGIE DU CINEMA considère qu'une "star n'est ni de près ni de
loin une actrice qui fait du cinéma, mais une personne capable d'un minimum de talent dramatique, dont le visage exprime, symbolise, incarne un inconscient collectif". Et le journaliste Claude
Bonnefoy s'accorde avec le socialiste Edgar Morin sur la thèse du mécanisme de divination de la vedette à la fois double et forme matricielle des espérances et des aspirations
universelles".
Mais quel est l'apport du cinéma américain dans ce processus de "mythologisation" du comédien? Français ou étrangers, les acteurs représentent quelle que soit l'époque des stéréotypes magnifiés par
l'écran- amante, épouse, femme-objet, femme fatale, aventurier, séducteur, justicier, bon garçon, pêcheur repenti...)-. Cependant l'aura propre aux acteurs américains, faite de magnétisme, de
puissance dramatique, ont apporté aux caractères immémoriaux des mythes un éclat, un scintillement, une densité lyrique, un regain selon le cas romanesque, érotique, ou cocasse qui encore aujourd'hui
fascinent les spectateurs. Tout au long de l'Illiade hollywoodienne, des bathing beauties à Marilyn Monroe, de Ronald Colman à Kirk Douglas, c'est le même sortilège qui exerce!
Catherine Habib Journaliste cinéma