Interviews cultes à découvir!

Qui ne connait pas la chanteuse Yelle? Mais avouez que Yelle en pute pour son premier rôle au cinéma c'est moins commun...dans Une Pute et un Poussin, elle nous montre qu'elle a du talent à revendre! 

Place à Julie Vard'Art!

Les Pionnières

Le cinéma qui offre la possibilité de recréer le passé, d’imaginer autrement le présent et de représenter l’avenir, a à la fois suscité et satisfait un goût nouveau pour le spectacle.

L’invention technique date de 1895 mais les premiers films, qui ne duraient que quelques secondes, montraient des événements quotidiens ou de simples trucages. Les films construits sur un récit - et ainsi qualifiés de fiction - virent le jour avec le 20ème siècle.

Les tout.e.s premièr.e.s pionnièr.e.s résidaient en Europe et non à Hollywood contrairement à ceux qu’on pourrait croire , car cet endroit situé au nord-ouest du quartier d’affaire de la ville de Los Angeles aux Etats-Unis (Californie) -rafraîchissons ici la mémoire des lecteurs qui seraient soudainement atteints de trous de mémoire covid19 oblige- ne figurait pas encore en tant que capitale du cinéma sur la carte topographique de cette industrie tout à fait particulière.

Parmi celles ceux qui se sont inscrit.e.s dès les premiers temps dans le paysage audiovisuel, on distingue d’abord les français.e.s, Alice Guy (1873-1968), Georges Méliès (1861-1938), Charles Pathé (1863-1957) et Ferdinand Zecca (1864-1947)

Commençons d’abord par la gente féminine avec Alice Ida Antoinette GUY de son nom de jeune fille qui réalise en 1896 LA FÉE AUX CHOUX, -souvent considérée comme la première fiction cinématographique de l'histoire cinématographique-, qui sera suivie de MADAME A DES ENVIES, court métrage qui met en avant avec beaucoup d’ironie des clichés sur le désir féminin.

En 1910 , elle est ensuite également la première femme à créer sa société de production de films, la Solax Film Co, dont elle devient présidente et directrice de production. Les premiers studios sont construits à Flushing, Devant le succès, ceux-ci deviennent trop exigus, et deux ans plus tard, en 1912, de nouvelles installations sont construites . Solax devient l’une des plus grandes maisons de production des États-Unis juste avant l'émergence d'Hollywood. Ces studios connaissent un fort développement et accueillent d'autres compagnies de cinéma : la Goldwyn Pictures corporation s'y installe de 1916 à 1917 avant de rejoindre les studios d'Universal, Pathé en loue une partie en 1918, tout comme Lewis J.Selznick en 1917. En tout, plusieurs centaines de films y furent tournés. La Metro Corporation Mayer y fait même ses débuts comme distributeur des films de la Solax.

Et en effet, Le succès de la Fée aux choux décide Léon Gaumont -chez qui ALICE GUY travaille au sein du Comptoir général de la photographie- ,à lui confier la direction d'un service spécialisé dans les vues animées de fiction, ce qu’elle fait de 1896 à 1907, tournant elle-même les premières bobines, et choisissant ensuite ses collaborateurs. C’est ainsi qu’en 1904, elle embauche Ferdinand Zecca qui réalise Les Méfaits d’une tête de veau ; et qu’elle fait aussi débuter dans la profession comme réalisateur Louis Feuillade et comme décorateur Henri Ménessie.

C’est ainsi qu’en 2017 Le Prix Alice Guy a été créé afin de rendre hommage chaque année à la première réalisatrice de l’Histoire du cinéma. Dédié aux réalisatrices de films français, il est organisé par L’Agence CLE et Cine-Woman pour pallier le manque de visibilité des réalisatrices lors des cérémonies du milieu du cinéma.

Mais Que cela ne nous fasse pas oublier les Frères Lumière qui précèdent de peu la cinéaste dont nous parlons en inventant le Cinématographe, et en projetant pour la première fois devant une assemblée le film documentaire SORTIE D’USINE le 22 mars 1895.

Ou bien alors L'imprésario et magicien de théâtre Geoges Méliès, qui assiste à la première projection publique des Frères Lumière, et ne manque pas bien entendu de s'approprier rapidement les aptitudes du cinéma à produire illusion et fantaisie. L'amour du magicien pour les trucages, où il combine l'imaginaire et le macabre, est devenu sa signature. L'HOMME A LA TÊTE DE CAOUTCHOUC(1901) le montre ainsi sous les traits d'un savant qui, après avoir relié un tuyau de caoutchouc à sa propre tête détachée de son corps, la gonfle avec un soufflet. Dans LE VOYAGE DANS LA LUNE(1902), la scène où la fusée se plante dans l'oeil de la lune est une juxtaposition du saugrenu et du physiologique typique de Méliès. En dépit des innovations cinématographiques spectaculaires mises en oeuvre et développées , ses oeuvres ne se sont jamais en effet complètement libérées de leur racines théâtrales.

Cependant une difficulté technique empêchait alors le cinéma d'être pleinement le septième art que nous connaissons aujourd'hui: son incapacité à créer une continuité d'action au fil des plans successifs. ATTAQUE D'UNE MISSION EN CHINE , tourné en 1900 et réalisé par le britannique James Williamson (1855-1933) fut déterminant pour l'histoire du cinéma. Ce film inspiré par la révolte des Boxers se déroule en Chine entre 1899 et 1901 et a à son actif un décor dans une maison abandonnée, une distribution de vingt-cinq personnes et des scènes d'action rehaussées d'explosions et de coups de feu simulés.

De son côté l’actrice Lola Weber devient aussi réalisatrice dès 1905, âgée d’à peine 26 ans.. Elle est la première femme de l’histoire des États-Unis à réaliser un long métrage en adaptant sur grand écran la pièce de théâtre Le Marchand de Venise en 19144.Dans un des films qu'elle réalise en 1916, Where Are My Children, elle s'appuie sur un fait divers pour étayer la revendication du droit à l'avortement6. Elle fonde son studio en 1917, le Lois Weber Productions, devenant une des plus importantes figures féminines de l'ère du cinéma muet, notamment en tant que réalisatrice.

C’est ainsi elle qui fera travailler France MARION, née Marion Benson Owens (1881-1973). Journaliste, écrivaine, réalisatrice, elle est l'une des plus célèbres scénaristes du xxe siècle avec June Mathis et Anita Loos.

Quant à Paul Laffite – homme d’affaire avisé-, il fonde en 1908 la société LE FILM D'ART sur sollicitation des sociétaires de la Comédie-Française afin d'assurer la production à l'écran de scènes historiques, mythologiques ou théâtrales filmées à partir d'adaptations authentiques et renommées.

Le but principal de la création de cette société est double:d'une part "élargir le public du cinéma aux couches plus cultivées de la population et de faire ainsi du cinéma le grand éducateur du peuple ». "Victime de sa réputation de spectacle de foire, le cinéma est à l'époque un spectacle dont se détournent le public du théâtre et celui de l'opéra"; et d'autre part appliquer les standards artistiques au cinéma et en particulier aux représentations historiques.

En Inde, le réalisateur D.G Phalke (1870-1944) inspiré par l'une des premières versions filmées de la vie du Christ, étudie les rudiments de la production pour tourner RAJA HARISHCHANDRA (1913). Ce film en costume marque les débuts de l'industrie cinématographique indienne. Tiré d'un texte sanskrit extrait du MAHABHARATA, le film raconte l'histoire du roi HARISHCHANDRA, qui pour tenir la promesse faite à un saint-homme abandonne son royaume. Phalke, qui a tourné dans les environs de Mumbaï avec une distribution non professionnelle exclusivement masculine , obtient un énorme succès lors de la première présentation du film au Coronation Cinema de Mumbai.

En Italie, les premiers cinéastes optent pour le mythique et le spectaculaire. L'oeuvre de Dante a été une source d'inspiration féconde dont L'INFERNO (1911) de Francesco Bertolini, Giuseppe De Liguoro et Adolfo Padovan est l’exemple le plus connu, et qui figure à ce jour dans l'histoire du cinéma italien comme le premier long métrage reconnu. Parallèlement, le genre historique se développe sous la forme de courts métrages spectaculaires parmi lesquels LA CHUTE DE TROIE de Giovanni Pastrone ,etLES DERNIERS JOURS DE POMPEI de Mario CASERINI.

Aux Etats-Unis LE VOL DU GRAND RAPIDE (1903) réalisé par Edwin .S.Porter est considéré comme le premier film narratif américain.Les techniques de caméra et de montage novatrices de Porter, les prises de vue en extérieur et la forme western en font pour les spectateurs de l'époque un film palpitant. En 1907 grâce à l'évolution de la technique, le canadien Sidney Olcott réalise à son tour la première version filmée de BEN HUR pour la compagnie de production cinématographique new-yorkaise KALEM créée par George Kleine, Samuel Long et Frank J.Marion ; qui devient ensuite la première société à réaliser des films de fiction américains à l'étranger, pas moins de 1700 oeuvres à son actif lors de sa disparition à la fin des années 1910.

Selon le format retenu, il n'était d'ailleurs pas toujours facile d'adapter un roman dans son intégralité. Cependant LE MOULIN MAUDIT (1909)tourné par Alfred Machin pour Pathé Frères est l'histoire d'une vengeance . Filmé en Belgique, colorisé au stencil et d'une durée de presque six minutes, ce court opus s'appuie sur un récit autonome facile à suivre.

Paraléllement Germaine Dulac (1899-1981), cinéaste française et journaliste réalise trois œuvres respectivement considérées comme premier film impressionniste –La Fête Espagnole en 1920 -, puis le premier film féministe – La Souriante Madame Beudet (1922)- et enfin le premier film surréaliste - La Coquille et le Clergyman daté de 1927

Dès 1916, elle fonde d’ailleurs avec Irène Hillel-Erlanger une maison de production, la DH Films. Et publie de plus dès 1920, de nombreux écrits historiques . Après 1924, elle milite aussi avec ardeur pour répandre l'amour du cinéma et contribue à développer les ciné-clubs puis elle réalise des symphonies d'images alliées à la musique, avec Disque 927 (1927) d'après Chopin ou Thèmes et Variations (1928).

En 1926, c’est ensuite au tour de la réalisatrice allemande LOTTE REINIGER de réaliser ce qui est le considéré le plus souvent comme le premier film d’animation, LE JEUNE AHMED. Œuvre d’une grande précision technique, le film comporte plus de 300 000 images, à 24 images par seconde, soit 65 minutes de film. On comprend facilement que trois années furent nécessaires de 1923 à 1926 à Lotte Reiniger pour réaliser un pareil exploit de finesse et de souplesse dans le mouvement. À Lotte s’ajoutaient Carl Koch à la prise de vue, Berthold Bartosch aux effets spéciaux et Walter Ruttmann pour les arrière-fonds qui étaient manipulés séparément des personnages. Pour animer ses silhouettes elle s’inspire du théâtre d’ombres chinoises et se nourrit de l’expressionisme allemand pour le jeu des contrastes et de lumière

Au fil des progrès techniques, la durée des films continue à croître , favorisant le développement de mini-séries. Dans ce format, la palme du succès revient à FANTôMAS (1913-1914) , un feuilleton en cinq épisodes qui met en scène l'un des personnages les plus populaires de la littérature policière française, joué ici par René Navarre. Chacun des épisodes réalisées par Louis Feuillade (1873-1925) durait à peu près une heure et se terminait sur un nouveau suspense.

La possibilité de réaliser des films plus longs , l'émergence des studios de Hollywood et les budgets plus élevés encouragent ensuite les cinéastes à produire des adaptations littéraires comme 20000 LIEUES SOUS LES MERS (1916) de Scotsman Stuart Paton (1883-1944) d'après Jules Verne. Paton pour ce premier film ,montrant des séquences sous-marines, intègre à son équipe deux britanniques les frères John et Georges Williamson. Grâce aux effets spéciaux innovateurs, aux prises de vue en extérieur et à des décors élaborés le résultat pour l'époque est remarquable.

Le goût du spectacle continue à s'exprimer dans des superproductions , tels LES DIX COMMANDEMENTS (1923) et une seconde version de BEN HUR (1925) par Fred Niblo et Charles Brabin qui inaugure le péplum -genre cinématographique de fiction historique dont l'action se déroule dans l'Antiquité -, merci Wikipédia (ndlr).

Dans ces films héroïques des années 1920, comme dans les effets spéciaux de Ray Harryhausen (1920-2013) des années 1950 et 1960, on retrouve l'esprit de Georges Méliès . Les techniques du cinéma comme ses structures narratives sont devenues de plus en plus sophistiquées , mais les principes fondateurs du cinéma -réinventer et réinterpréter la réalité- sont restés les mêmes depuis les premiers jours.

On parle souvent de l’âge d’or hollywoodien, florissant des années 1930 à l’après-guerre. L’usine à rêves édifie alors l’armature de ce qu’elle est devenue aujourd’hui : si elle concède une petite place au soleil à quelques femmes-muses, elle est avant tout dirigée par une large majorité d’hommes. Pourtant, en 2016, deux documentaristes françaises livrent une version alternative du commencement, craquelant le fameux mythe : Hollywood existait dès les années 1910 et les femmes y étaient nombreuses, occupant des postes clefs. Elles écrivaient, réalisaient, montaient, produisaient des films qui n’avaient rien à envier aux plus célèbres œuvres de l’époque retenues par l’histoire. « Tout était encore possible, travailler dans le cinéma n’était pas encore pour les hommes riches et respectables », confient les sœurs réalisatrices et productrices Julia et Clara Kuperberg.

Catherine Habib Journaliste cinéma