Interviews cultes à découvir!

Qui ne connait pas la chanteuse Yelle? Mais avouez que Yelle en pute pour son premier rôle au cinéma c'est moins commun...dans Une Pute et un Poussin, elle nous montre qu'elle a du talent à revendre! 

Place à Julie Vard'Art!

Du muet au parlant 

Cette leçon de cinéma est inspirée d'un article du critique de cinéma Jacques Fieschi qui fut rédacteur en chef du CINEMATOGRAPHE dans les années 1970.

C'est en 1927 avec l'utilisation du vitaphone des frères Warner utilisé pour l'enregistrement de plusieurs scènes chantées et de quelques dialogues dans LE CHANTEUR DE JAZZ d''Alan Crosland qu'est daté l'apparition du cinéma parlant...La célèbre réplique « Attendez un peu, vous n'avez encore rien entendu » (Wait a minute, wait a minute. You ain't heard nothin' yet!) prononcé par l'acteur AL JOLSON dans le film clôt définitivement l'ère du muet. Quelques années sont cependant encore nécessaires pour que partout dans le monde les procédés s'affinent,  les films muets se fassent de  plus en plus rares, et que les salles soient équipées techniquement.

Cependant la transition du cinéma muet au parlant ne se fait pas faite sans difficulté: il suffit de se pencher sur des films comme LONESOME de Paul FEJOS ou bien encore PRIX DE BEAUTE d'Augusto Genina pour constater qu’on est encore aux balbutiements du cinéma sonore. "Peu de sons d’ambiance ou alors en brouhaha, des scènes extérieures qui donnent l’impression d’avoir été enregistrées dans un hangar, un espace sonore vide de toute atmosphère. De la même façon, la musique est encore extrêmement illustrative et a même largement tendance à forcer le trait". 

Le cinéma parlant se heurte par ailleurs  à un autre obstacle: celui de la langue! Le langage muet est universel, les intertitres sont faciles à modifier pour que chacun s'approprie les images, ce qui n'est plus le cas avec le cinéma parlant!

Les cinéastes de l'époque se retrouvent donc déboussolés par l'apparition du cinéma parlant qui fixent de nouvelles contraintes, les obligeant à passer pour les fourches caudines du dialogue ainsi qu'à renouveller leur approche du personnage et du récit cinématographique. Un réalisateur comme Marcel L'HERBIER ( fondateur de l'IDHEC aujourd'hui nommée FEMIS) considère que le parlant l'oblige à "adopter des formes de cinéma qui étaient exactement celles dont je m'étais toujours méfier". 

Et pusique que tout à coup le cinéma doit parler à tout prix les artistes puisent dans le répertoire théâtral faisant fi du mouvement car les caméras, protégées dans des boites par souci d'insonorisation, n'autorisent aucun mouvement de mise en scène. Le montage et la mise en scène deviennent amorphes tandis que l'importance accordée à la sonorisation prend une ampleur démesurée.

Bref pendant quelques années le cinéma régresse plus qu'il ne progresse! Et pendant longtemps les partisans du cinéma parlant affrontent les détracteurs du cinéma muet! C'est toute une conception des caractères liée au cinéma muet qui s'effronde: "La mère", "la fille", "le dernier des hommes", ces figures symboliques de la souffrance humaine, dans la grandeur ou la déréliction. "Comment cette humanité en perpétuelle songerie, extase, lévitation, ces yeux liquides, ces longs gros plans, ces lourds maquillages, ces masques blancs, ces évanouissements" se seraient-ils accomodés des bruits du langage ou du réalisme des bruits?

Et que dire du genre burlesque? "Quintesse du muet au point qu'il s'identifie presque avec lui dans la mémoire populaire",  le parlant sonne pourtant son glas car il enlève tout son sens à la pantomime des personnages propre aux films muets. Le cinéma vit ainsi une rupture radicale, à l'image de celle l'apparition de la couleur dans les années soixante. Le cas de Charles Chaplin fait cependant exception. Chaplin considère "que le dialogue est aussi peu nécessaire au film que les paroles aux symphonies de Beethoven. Et Chaplin de louer l'abstraction comique." Le DICTATEUR réalisé en 1940 permet surtout au réalisateur de se moquer du parlant à travers les beuglements d'Hitler.

Pourtant le passage au cinéma parlant est riche de nouvelles créations, une fois dépassées toutes ces résistances.  Le film musical, le policier succèdent au burlesque, l'un et l'autre étant inséparables de leur toile sonore. En france, les chuchotements de Jean Gabin filmés de très près par Marcel Carné n'ont-ils pas tout autant valeur de mythe que les gros plans du cinéma muet?

Bien entendu les premiers chefs d'oeuvre du cinéma parlant s'organisent autour de trames sonores importantes: "les chansons d'Helen Morgan dans APPLAUSE de Rouben Mamoulian, le tragique "cocorico" du professeur Unrath dans L'ANGE BLEU de Stenberg, le petit air siffloté qui démasque M Le Maudit, ou bien encore les tourne-disques usés et les ritournelles du TESTAMENT DU DOCTEUR MABUSE de Fritz Lang.

 

Jean MITRY qui fonde en 1935 avec 

Henri Langlois et George Franju 
le Cercle du cinéma (aujourd'hui La 
Cinémathèque française), estime "qu'avec l'arrivée du parlant, le cinéma quitte le temps du drame pour le temps du récit. Le muet libérait un flux d'images, le parlant place les siennes dans le continuum d'une narration plus serrée, d'une durée plus rapide, liée à une efficacité immédiate."
 
 

Ainsi l'évolution du cinéma invite à faire acte d'humilité: le verbe tout autant que l'image  a sa propre valeur cinématographique. Un monologue de Sacha Guitry, une longue période de Joseph Mankiewicz, l'impudeur d'une confession chez Maurice Pialat, n'est-ce pas autant de cinéma qu'une collision d'images dans le montage soviétique, qu'un gouffre d'ombre dans le cinéma de Murnau? 

Bonne Lecture!

Catherine Habib Journaliste cinéma