Interviews cultes à découvir!

Qui ne connait pas la chanteuse Yelle? Mais avouez que Yelle en pute pour son premier rôle au cinéma c'est moins commun...dans Une Pute et un Poussin, elle nous montre qu'elle a du talent à revendre! 

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Le cinéma d'Europe de l'Ouest dans les années 1970

    Dans les années 1970, les réalisateurs qui avaient donné le ton du cinéma ouest-européen de l’après-guerre furent peu à peu éclipsés par une nouvelle génération de cinéastes plein d’avenirs ayant des idées et des attitudes bien à eux.

Si en Allemagne la transition se fit relativement sans heurts du fait de l’apparition du jeune cinéma allemand et du nombre restreint de réalisateurs âgés d’envergure, il n’en alla pas de même ailleurs. Ainsi, des maîtres comme l’espagnol Luis Bunuel ou le français Robert Bresson étaient encore à pleine possession de leurs moyens. En témoignent des oeuvres comme Le Charme discret de la bourgeoisie (1972) ou Cet obscur objet du désir (1977) pour le premier, plus provocatrices que jamais; tandis que le second élargit sa thématique avec Quatre nuits d’un rêveur (1971) d’après Dostoïevsky, et Le diable probablement (1977) une fable morale impitoyable récompensé par un Ours d’Argent à Berlin. Quand au suédois Ingmar Bergman , c’est à cette période qu’il réalise Cris et Chuchotements (1972) et La Flûte Enchantée (1975) considéré comme un des plus beaux opéras filmés.

En Italie par contre, le cinéma perd ses îcones au fur et à mesure que l’on se rapproche du début des années 80 : d’abord De Sica (1901-1974), puis Pasolini (1922-1975), suivi de Rossellini (1906-1977) et de Visconti (1906-1977), ce dernier approchant le sommet de son génie avec Mort à Venise en 1971 et Violence et Passion en 1974; de son côté Antonioni tourne en 1975 Profession: reporter souvent considéré par la critique comme sa dernière oeuvre majeure. De même pour le grec Michel Cacoyannis dont Iphégnie vint clôre en 1976 la trilogie consacrée à la Grèce Antique.

En France, les cinéastes de la nouvelle vague poursuivent leur chemin: Claude Chabrol entame ainsi une décennie prolifique avec l’un de ses meilleurs films Le Boucher (1970), François Truffaut obtient un immense succès au box-office grâce à La Nuit Américaine, tous deux talonnés par Eric Rohmer qui termine sa série des Six Contes Moraux par Le Genou de Claire (1970) et L’Amour l’après-midi (1972). Avant d’inaugurer dans les années 1980, sa série de Comédies et Proverbes, ce dernier se se livre à deux adaptations littéraires La Marquise d’O (1976) et Perceval le Gallois (1978). Tandis que Jacques Rivette atteint l’apogée de son expérimentalisme badin dans Céline et Julie vont en bateau (1974). Agnès Varda tourne moins dans les années 1970, mais L’une chante et l’autre pas (1977) offre un point de vue passionnément romantique sur les bouleversements liés au féminisme. Dans Stavisky (1974), Alain Resnais livre un récit à l’élégance glacée d’un scandale politique français des années 1930, tandis que Providence , son premier film anglais, entreprend un voyage hanté par l’imaginaire dans l’esprit d’un écrivain mourant.

Ailleurs d’autres cinéastes choisissent d’aborder des sujets sociaux, politiques et historiques. Le Voyage des comédiens (1975) fit la réputation de Théo Angelopoulos internationalement célèbre pour la complexité de ses films enracinés dans l’histoire grecque. Une sympathie marquée pour les classes pauvres, alliée à des préoccupations sociales, imprègne des films italiens comme L’Arbre aux Sabots (1978) d’Ermanno Olmi et Padro Padrone (1977) des Frères Taviani pendant que L’Affaire Mattei de Francesco Rosi présente une enquête corrosive sur la corruption politique.

Constantin Costa-gravas, cinéaste d’origine grecque naturalisé français, construit toute sa carrière sur des films consacrés à des injustices d’état. Dans les années il tourne L’Aveu (1970), violente critique du communisme praguois situé en 1951, Etat de Siège (1972) qui prend pour cible l’implication de la CIA en Uruguay, et Section Spéciale (1975) qui traite des tribunaux d’exception du régime de Vichy.

Plus éclectique jamais, Louis Malle passe des thèmes politiques et historiques à des drames familiaux intimes. Dans Lacombe Lucien (1974), il aborde le sujet du fascisme français sous l’Occupation, tandis qu’avec Le Souffle au coeur (1971), il choque la bourgeoisie française par sa description bienveillante d’une relation incestueuse entre une mère et son fils. Dans le même esprit , Armacord (1973) de Federico Fellini - évocation stylisée de la ville natale du réalisateur à l’époque fasciste- est un film magistral.

Pour certains réalisateurs le privé s’identifie au politique. Marco Ferreri suscite l’inquiétude des censeurs par ses allégories de la cupidité capitaliste - par exemple l’orgie de sexe et de gloutonnerie de La Grande Bouffe (1973) ou celle de, plus sophisitiquée encore de La Dernière Femme (1976). Mais le scandale provoquée par ces deux films ne fut rien en comparaison de la fureur qui se déchaina contre Le Dernier Tango à Paris (1972) de Bernardo Bertolucci.

Stigmatisé comme obscène par les tribunaux italiens, il fit les choux gras de la presse grâce à la présence de Marlon Brando. La carrière de Bertolucci prit dès lors une dimension internationale, au grand regret de ses admirateurs de ses films bien plus subtils comme Le Conformiste et La Stratégie de l’Araignée. Le dernier film de Pier Pasolini - Salo ou les 120 journées de Sodome qui transposait les excès du Marquis de Sade dans l’éphémère République instaurée en Italie du Nord par Mussolini en 1944 obtint presque la même notoriété que le film de Bertolucci. Lui aussi très doué pour déranger le public , Jean Eustache offrit des études objectives de la sexualité dans La Maman et la Putain et Une sale histoire.

De manière plus ou moins explicite, plusieurs de ces films réagissaient à l’émergence du féminisme. Au cours des années 1970, plusieurs réalisatrices -figure de proue du cinéma d’Europe de l’ouest à cette période -s’expriment sur le sujet dans leurs oeuvres . La norvégienne Anja Breien (née en 1940) obtient un beau succès grâce au féminisme décomplexé de Hustruer (1975). Et la théâtralité “mélodramatique” de films italiens comme Portier de Nuit (1974) de Liliana Cavani (née en 1933) et Vers un destin insolite.

Les flots bleus de l’été (1974) de Lina Wertmüller (née en 1926) offre un contraste saisissant avec le minimalisme qui caractérise les films de la dramaturge française Marguerite Duras comme Indian Song (1975) ou encore l’étude de la prostitution bourgeoise proposée par Chantal Akerman (née en 1950) dans Jeanne Dielman, 23 quai du Commerce, 1080 Bruxelles (1975). Plusieurs actrices se tournèrent vers la mise en scène, notamment Gunnel Lindlblom (née en 1931), qui décrivit les détraquements d’une famille suédoise dans Paradis D’été (1976).

En espagne, Carlos Saura qui avait commencé sa carrière de réalisateur à la fin des années 50, poursuit sa critique indirecte du régime fasciste de son pays; la fable cruelle Cria Cuervos (1976) reste son film le plus mémorable de la période. Le drame paysan Furtivos (1975) de José Luis Borau (né en 1929), sorti en salles quelques semaines avant la mort de Franco, offre une allégorie de la vie sous le gouvernement du dictateur vieillissant. Le premier long métrage de Victor Erice (né en 1940), L’esprit de la Ruche (1973), suscite alors un vif débat. Il met en scène la remarquable actrice Ana Torrent, à l’époque encore toute jeune, et se prête par delà son étude de l’enfance, à une multiplicité d’interprétations.; Il fit d’Erice un réalisateur n’ayant que Terrence Malik (né en 1943) pour égal dans sa capacité à obtenir autant d’estime pour un oeuvre si réduit.

Les jeunes réalisateurs européens des années 1970 ne s’opposaient pas tous à la production de leurs aînés; certains voulurent poursuivre et développer une tradition. Deux cinéastes français, qui avaient appris leur métier auprès de leurs collègues de la Nouvelle Vague, firent alors leurs débuts. Claude Miller (né en 1942) tourna ainsi sous l’influence de Truffaut La Meilleure façon de marcher (1976), un drame situé dans un camp de vacances et consacré aux troubles de l’adolescence, puis Dites-lui que je l’aime (1977), un thriller psychologique très chabrolien. Dans le même temps, Bertrand Tavernier (né en 1941) entamait une brillante carrière avec L’Horloger de Saint-Paul (1974), subtile adaptation d’un roman de Georges Simenon, pour manifester ensuite un éclectisme proche de celui de Louis Malle dans deux drames très historiques très différents l’un de l’autre, Que la fête commence ...(1975) et Le Juge et l’Assassin (1976).

Toutefois, certains cinéastes furent tout simplement trop singuliers pour se laisser enfermer dans une catégorie quelconque. Maurice Pialat (1925-2003), qui donna plus tard de très beaux rôles à Isabelle Huppert et Gérard Depardieu dans Loulou (1980), se fit une réputation d’auteur de films rudes et acerbes, avec par exemple Nous ne vieillirons pas ensemble (1972). “Aussi inconfortables à regarder que, selon la rumeur, inconfortables à tourner, ces films traduisent cependant bien l’esprit d’une décennie troublée” conclut le critique Mansel Stimpson. 

Catherine Habib Journaliste cinéma