Les Déesses de l'écran
Après les héroïnes du muet du début du 20ème siècle, c’est au tour des déesses de l’écran d’être portées aux nues.
A l’image de leurs consoeurs, Greta Garbo, Marlène Dietrich, Bette Davis, Joan Crawford, Katharine Hepburn ou Vivien Leigh sont d’une certaine manière immortelles, elles possèdent ainsi cette espèce d’aura éternelle que peu de comédiennes des années suivantes ont atteinte.
On dit souvent que les actrices de l’ère du muet avait une beauté éthérée qui fascinait les spectateurs . A sa manière, Gloria Swanson exprime cela fort bien dans une réplique devenue légendaire “ nous n’avions pas besoin de dialogues, nous avions des visages”, elle qui joua l’actrice de cinéma sur le déclin dans Boulevard du crépuscule de Billy Wilder.
Aussi certains certaines craignirent-ils que les déesses de l’écran ne perdent leur éclat olympien avec l’avènement du parlant. Et en effet, certaines stars du muet ont connu ce destin, ce fut ainsi le cas de Pola Negri, victime de son accent polonais, ou bien encore de Norma Talmadge dont les tonalités nasales du New Jersey n’ont pas joué en sa faveur.
Mais l’avènement du parlant ne diminua en rien l’attrait de certaines comédiennes, bien au contraire. Les sceptiques pensaient que Greta Garbo ne résisterait pas à la transition, elle leur donna tort dans ANNA CHRISTIE (1930), où sa première réplique -qui intervient après 16 minutes de film- gagne la postérité « Donne-moi un whisky et, en plus, un ginger-ale. Et mets-en beaucoup, mon petit» en devenant célèbre. “Garbo parle” titrent alors les affiches publicitaires du film! Les spectateurs trouvent ainsi son accent charmant.
Quant à Vivien Leigh, son côté très anglais lui permit de s’adapter à des oeuvres qui traitent de la période élisabéthaine comme L’INVINCIBLE ARMADA (1937) et son accent ne l’empêcha pas de s’emparer de l’un des rôles les plus convoités de la décennie, celui de la beauté sudiste Scarlett O’Hara dans AUTANT EN EMPORTE LE VENT (1939).
Cependant, attention à ne pas être dupe! En effet, la création de ces déesses de l’écran répondaient aux intérêts commerciaux des studios de production, et les services de publicité de l’époque ne se privaient pas de jouer un rôle capital dans l’élaboration de ces mythes. Ainsi la MGM, sous la direction d’Irving Thalberg son légendaire patron des années 1930, se plaisait à proclamer qu’il avait “plus d’étoiles dans les studios qu’au ciel”...
Naturellement des idoles comme Greta Garbo, Katharine Hepburn ou Marlène Dietrich avaient trop d’influence pour être dirigées par les studios. On touche ici à un paradoxe du studio system de l’Hollywood d’antan: les déesses de l’écran, indispensables parce qu’on leur devait les énormes rentrées au box-office, avaient pourtant du mal à maîtriser leur carrière .
Face à la domination masculine de l’industrie cinématographique propre à cette période, elles en perdaient même souvent le contrôle. Songez donc à ces mots du directeur de la publicité de la MGM, Howard Strickling, “nous disions aux stars ce qu’elles devaient dire et elles faisaient ce que nous disions parce qu’elles savaient que nous savions mieux qu’elles.”
Cela serait aujourd’hui inconcevable! La représentation de stars déchues proposés par des films comme Boulevard du crépuscule (1950) ou Qu’est il arrivé à Baby Jane (1962) brossent de plus un portrait poignant et pitoyable de ces reines de l’écran atteintes par l’oubli.
Catherine Habib Journaliste Cinéma